Qui est l’ange Gabriel ?

Il semblerait que L’Ile-Bouchard soit l’un des rares lieux d’apparition de l’ange Gabriel, depuis l’événement de l’Incarnation. Le lundi 8 décembre 1947, à la question de Jacqueline adressée à la Vierge Marie : « Mais Madame, quel est l’ange qui vous accompagne ? » La Sainte Vierge va se tourner vers l’ange, l’ange, qui était de profil, va se tourner vers nous, et lui aussi, avec un gentil sourire, il va nous dire : « Je suis l’ange Gabriel »[1], raconte Jacqueline.

L’ange Gabriel, selon le livre de Daniel

Chapitre 8

Dans ce chapitre 8, une voix crie : « Gabriel, fais-lui comprendre la vision » (Dn 8, 16), manifestant ainsi que la mission de Gabriel est de dévoiler le dessein de Dieu auprès des hommes. C’est d’ailleurs la 1ère  fois qu’un nom est donné à un ange dans les Ecritures.

  • La vision des animaux

Daniel reçoit la vision d’animaux, ressemblant à un bélier et à un bouc. C’est alors que Gabriel aide ce prophète à interpréter cette vision, en lui expliquant : « Le bélier à deux cornes que tu as vu, ce sont les deux rois de Médie et de Perse. Le bouc velu, c’est le roi de Grèce, et la grande corne entre ses yeux, c’est le premier roi. Si elle s’est brisée et que quatre ont surgi à sa place, c’est que quatre royaumes surgiront de sa nation, mais sans avoir sa force. » (Dn 8, 20-22). Autrement dit, selon l’exégèse de st Jérôme, ces 4 entités correspondent aux 4 royaumes issus de l’empire d’Alexandre le Grand, parmi lesquels celui du séleucide Antiochus IV, ayant régné sur la Judée (175-164 avant JC) à l’origine d’une grave persécution religieuse contre le judaïsme : en brûlant les livres bibliques trouvés, en profanant le Temple de Jérusalem, etc. Cette persécution est au cœur de la vision reçue par Daniel – vision que Gabriel essaie de lui expliquer.

  • La question du temps

Effectivement, de même qu’à chaque épreuve, nous nous demandons quand celle-ci prendra fin, de même qu’une voix s’exprime (rejoignant la question que se posaient tant de ses contemporains): « Combien de temps verrons-nous le sacrifice perpétuel retiré, la perversité dévastatrice, le sanctuaire livré, l’armée piétinée ? » (Dn 8, 13). La réponse céleste à cette question sera : 2300 soirs et matins, càd 1150 jours. Comment comprendre ce nombre ? Selon l’exégète protestant André Lacoque, « il y a une limite à la révolte contre Dieu et une fin à la souffrance des saints »[2]. Par ailleurs, Gabriel donne une orientation eschatologique (c’est-à-dire dans la perspective des fins dernières) de la vision, en lui précisant que cela « concerne le temps de la fin » (Dn 8, 17) : « Je vais te faire savoir ce qui arrivera au terme de la colère [au sens de l’impact provoqué par la perversité du péché], car la fin est pour le moment fixé. «  (Dn 8, 19)  et comment comprendre ce temps de la fin ? Pour Gabriel, il s’agit d’annoncer non seulement l’écroulement du règne persécuteur d’Antiochus IV, -allant jusqu’à profaner le Temple-, mais aussi l’avènement d’un âge messianique.

Chapitre 9

Le but des propos de Gabriel, dans ce chapitre 9, est de tendre vers une perspective synthétique des événements pour aider Daniel à comprendre la vision qu’il a reçue.

  • Particularités de Gabriel

Daniel nous témoigne que Gabriel s’est approché de lui « d’un vol rapide » (Dn 9, 21), comme les Ecritures nous rapportent, dans d’autres passages bibliques, des anges en train de voler (Is 6, 2 ; Ez 1, 6, etc.). Puis Gabriel lui confie, en instruisant Daniel : «« Daniel, je suis sorti maintenant pour ouvrir ton intelligence.  «  (Dn 9, 22) . Gabriel est donc sorti du monde céleste, afin d’aider Daniel à scruter plus profondément le dessein de Dieu : cette lumière surnaturelle ne peut être qu’un don céleste, mais ce don requiert toute une préparation intérieure pour pouvoir être reçu.

  • Le sacrifice de Minha

Gabriel apparaît à Daniel, pendant un temps de prière, tourné vers Jérusalem, « à l’heure de l’offrande du soir », c’est-à-dire à l’heure du sacrifice de Minha :il s’agit du sacrifice le plus important de la journée, mais qui a été interdit par Antiochus IV Epiphane (Dn 8, 1). Or, le but de cette prière de sacrifice est, entre autres, d’ « expier la faute et [d’] amener la justice éternelle «  (Dn 9, 24), en entrant davantage dans une démarche de repentance.

  • L’oracle de Jérémie (Jr 29, 10)

Pour répondre à la question (« Combien de temps verrons-nous le sacrifice perpétuel retiré, la perversité dévastatrice, le sanctuaire livré, l’armée piétinée ? » (Dn 8, 13) , Daniel reçoit, par Gabriel, une lumière plus précise sur l’interprétation de cet oracle de Jérémie relatif au nombre des « 70 semaines », en comprenant les temps à venir, à travers plusieurs phases, tout au long des « 70 semaines d’années, soit 10 cycles jubilaires » selon l’exégète André Lacoque : une première phase depuis l’exil jusqu’au retour des exilés, une deuxième longue phase étalée depuis la date de l’oracle de Jérémie (605) jusqu’au temps de la restauration du Temple en 171, une troisème phase aboutissant à la fin des «Soixante-dix semaines [qui] ont été fixées à ton peuple et à ta ville sainte, pour faire cesser la perversité et mettre un terme au péché, pour expier la faute et amener la justice éternelle, pour accomplir vision et prophétie, et consacrer le Saint des saints » (Dn 8, 24). Cela conduit non seulement à l’événement très grave de « l’Abomination de la désolation » (un événement qui se renouvellera d’une autre façon, à la fin des temps, selon st Paul – 2 Thess. 2, 3-12 -, dans un contexte d’apostasie et d’une manifestation de l’Antichrist « Ne laissez personne vous égarer d’aucune manière. Car il faut que vienne d’abord l’apostasie, et que se révèle l’Homme de l’impiété, le fils de perdition, celui qui s’oppose, et qui s’élève contre tout ce que l’on nomme Dieu ou que l’on vénère, et qui va jusqu’à siéger dans le temple de Dieu en se faisant passer lui-même pour Dieu », nous avertit st Paul dans la 2 Thess. 2, 3-4-), mais aussi à la fin des persécutions et à la préparation de l’avènement de l’ère messianique. C’est pourquoi le Nouveau Testament y voit le déploiement du Royaume de Dieu qu’accomplira le Christ (Mt 24, 15 ; 2 Thess 2, 4). Autrement dit, les propos de Gabriel préparent les cœurs à cette attente messianique, témoignant de « l’avènement d’un messie,  [d’] un chef » (Dn 9, 25).

  • Le Saint des Saints

On peut comprendre cette expression « le Saint des saints », aussi bien dans un sens matériel, au sens d’un édifice (le Temple de Dieu), mais aussi d’une personnification (puisque le prêtre Aaron a été aussi qualifié de « Saint des saints). C’est pourquoi on peut comprendre la restauration du Saint des Saints, comme une restauration du Temple, mais aussi au sens d’une onction sacerdotale répandue dans le peuple. Le chapitre 7 de Daniel témoigne ainsi tout autant d’un Temple profané, mais qui n’atteint toutefois pas totalement le sanctuaire du peuple de Dieu.

L’ange Gabriel lors de l’annonce à Zacharie (Lc 1)

L’apparition lors d’un temps de prière liturgique

Gabriel se manifeste à Zacharie, dans le un cadre d’une prière liturgique, lors de l’offrande de l’encens, au Temple. En revanche, l’heure de cette offrande n’est pas précisée. La dimension du sacerdoce juif est ainsi bien présente, puisque Elisabeth est issue d’une famille sacerdotale, et puisque Zacharie remplit, quant à lui, une fonction de prêtre -de rang modeste, vivant dans les montagnes de Judée avec Elisabeth-, assurant son service liturgique, deux fois par an,  à Jérusalem. Et tous deux sont réputés être des justes.

La promesse de délivrance

De même que Gabriel a annoncé la délivrance d’Israël au bout d’un cycle de « 70 semaines d’années », de même que Gabriel annonce à Zacharie le début d’une période messianique et ainsi l’accomplissement des promesses divines. Et comme l’écrivait st Pierre Damien, dans le sermon 24 : « la naissance merveilleuse du Précurseur n’avait pas d’autre fin que de préparer la venue prochaine du Sauveur (…) L’ami devait naître avant l’Epoux, le serviteur avant le Maître, la voix avant le Verbe, le flambeau avant le Soleil, le héraut avant le Juge, le racheté avant le Rédempteur »[3]. Cela souligne aussi la dimension eschatologique de la mission de Jean-Baptiste, en tant que dernier prophète, préparant le peuple, à entrer dans ce baptême de conversion pour accueillir le Messie. Gabriel annonce à Zacharie que la vocation de Jean sera la suivante : « il marchera devant, en présence du Seigneur, avec l’esprit et la puissance du prophète Élie, pour faire revenir le cœur des pères vers leurs enfants, ramener les rebelles à la sagesse des justes, et préparer au Seigneur un peuple bien disposé. » (Luc 1, 17)

L’appel à la foi de Zacharie

Le chapitre 1er de Luc met en parallèle, de façon contrastée, l’annonce à Zacharie et l’annonce à Marie. Autant la Vierge Marie se trouvait dans une situation inédite dans l’histoire biblique, ne rapportant aucune conception d’un enfant en dehors d’une union charnelle ; autant Zacharie connaissait les Ecritures et donc des situations bibliques semblables à la sienne (avec le problème de l’âge et de la stérilité, qui ne constituaient plus des obstacles à l’accueil de la vie humaine, comme ce fut le cas pour Abraham et Sarah). C’est pourquoi Gabriel considère qu’à la différence de Marie, l’attitude de Zacharie relève de l’incrédulité (à l’image de Gédéon, cf Jg 6, 36), et provoquera donc, pour Zacharie, un mutisme pendant 9 mois, jusqu’à la fin de la grossesse d’Elisabeth. Ce mutisme se caractérise d’une double manière : à la fois, selon l’exégète André Lacoque, comme un « châtiment » sanctionnant un manque de foi et aussi « un signe qui met fin à l’incrédulité de Zacharie », lui permettant d’approfondir le mystère de la naissance de Jean-Baptiste, dans le silence, tout au long des 9 mois de grossesse. Tout ce temps de silence intérieur préparera sans doute la vocation de Jean-Baptiste comme Précurseur de la Parole, comme la voix annonçant le Verbe qui se fait chair.

La miséricorde de Dieu

Le nom du fils de Zacharie, Jean, signifie « le Seigneur fait grâce », le Seigneur fait miséricorde. C’est pourquoi, la Bonne Nouvelle est qu’à partir de Jean-Baptiste, Dieu transfigurera la misère humaine en lumière en tout cœur s’ouvrant à la grâce divine : d’où la joie qui en jaillira. Autrement dit, la vocation de Jean-Baptiste est de faire « revenir de nombreux fils d’Israël au Seigneur leur Dieu » (Lc 1, 16).

L’Ile-Bouchard et Gabriel

A L’Ile-Bouchard, d’un point de vue descriptif, Gabriel a des ailes, selon le témoignage des 4 enfants, comme l’ont aussi souligné les prophètes bibliques Daniel ou Isaïe. Dans les livres bibliques de Daniel ou de Luc, cet ange intervient souvent dans un cadre liturgique, comme il s’est aussi rendu présent, en Touraine, en 1947, à des moments en lien avec la prière de l’Eglise (fête du 8 décembre, la messe dominicale du 14 décembre, etc.) jusqu’à savoir s’effacer devant le Saint-Sacrement exposé, lors du premier jour des apparitions.

Gabriel est également celui qui exhorte à intercéder en vue de la délivrance des hommes.

Par ailleurs, cet ange est celui qui aide à décrypter le sens des événements, à des dates charnières de l’histoire de la révélation divine, en éclairant l’intelligence des hommes à découvrir davantage le dessein de Dieu et de son accomplissement : d’où la tonalité eschatologique et l’ orientation messianique de sa lecture de l’histoire.

Dans Dn 8-9 et Lc 1, on y trouve aussi toute une réflexion sur le sanctuaire considéré à la fois comme un édifice et aussi du sanctuaire de Dieu constitué de membres unis au Corps du Christ, marqués par une onction sacerdotale.

Et comme Dieu s’adresse toujours à la liberté de chaque homme, Gabriel fait de même, en s’adressant aussi à la liberté de ses interlocuteurs (aussi bien auprès de Daniel, Zacharie, ou de la Vierge Marie), dévoilant ainsi la foi ou l’incrédulité de chacun.

En Touraine, comme en d’autres lieux d’apparitions mariales, la Vierge a également demandé de prier pour les pécheurs et de faire des sacrifices à cette intention et insiste ainsi sur la dimension d’intercession et d’offrande. Plus précisément, les messages de Notre-Dame de la Prière annoncent une promesse abondante de miséricordes que Dieu souhaite répandre à l’attention des hommes.  Mais c’est une promesse qui requiert, comme toujours, dans la relation à Dieu, un acte de foi libre de la part de chacun, entre la possibilité de l’incrédulité de Zacharie ou alors – de façon privilégiée – celle de l’acte de foi posé par la Vierge Marie, à l’Annonciation.

 

[1] Témoignage de Jacqueline Aubry : cf.  B. Peyrous , op. Cit. ,  p. 40

[2] A . Lacoque, le livre de Daniel, 1976, Paris

[3] Cité par Daniel Ange, Jean-Baptiste, Paris, 2000, p.151

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