Le miracle du soleil

Les apparitions mariales de Fatima (1917) et de l’ile Bouchard (1947) et le miracle du soleil

Quels sont les points communs entre les deux lieux d’apparitions ? 

1. Par rapport aux acteurs : aussi bien dans les apparitions du Portugal que celles de Touraine, sont présents la Vierge Marie, des enfants (trois à Fatima, quatre à l’ile Bouchard) et un ange (l’ange du Portugal, en 1915 et 1916 ; et l’archange Gabriel en Touraine, tout au long des apparitions).

2. Par rapport au contexte : dans les deux cas, l’enjeu de prier pour la paix se fait ressentir, de différentes manières. A Fatima, la Sainte Vierge promet : « si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix » (13 mai 1917). Malheureusement, quelques mois plus tard, adviendra la révolution bolchévique en Russie.  A l’ile Bouchard, Marie avertit : « dites aux petits enfants de prier pour la France car elle en a grand besoin » (8 décembre 1947), en raison du contexte social français très agité, s’inscrivant lui-même dans un contexte international de forte offensive soviétique visant à répandre le communisme en Europe. Par ailleurs, il faut noter que le communisme politique s’enracine en France depuis la Touraine, puisque c’est lors du congrès de Tours, en décembre 1920, qu’une partie des socialistes français se rattache à la 3ème Internationale, fondant ainsi le parti communiste français.

3. Par rapport aux messages et aux événements : on y retrouve de nombreux points communs, comme la réalité du dogme de l’Immaculée Conception (dévotion au Cœur immaculée de Marie à Fatima, le début des apparitions le 8 décembre 1947 à l’ile Bouchard), l’importance de la nation, en tant qu’entité spirituelle (avec l’ange veillant sur le Portugal, ou avec la demande explicite de prier pour la France à l’ile Bouchard), la prière du chapelet, la demande d’offrir des sacrifices –en particulier pour les pécheurs-, les secrets –rendus publics en 2000 pour Fatima, non communiqués pour la Touraine-, le miracle du soleil (la danse du soleil le 13 octobre 1917, le rayon de lumière le 14 décembre 1947), une certaine paix sociale qui a suivi dans les deux pays (le Portugal a échappé à la guerre civile dans laquelle son pays voisin est tombé, et a été relativement plus ou moins épargné par le drame de la seconde guerre mondiale, tandis que la France a aussi échappé à une grave violence qui menaçait le pays et a pu connaître une prospérité exceptionnelle lors des décennies suivantes).

Quel est ce miracle du soleil à Fatima et à L’Ile Bouchard ?

Que signifie ce qualificatif de « bien-aimé » ? S’agit-il d’un disciple qui aurait bénéficié d’un amour personnel privilégié de la part de Jésus ? Il faudrait peut-être comprendre, entre autres, que ce disciple bien-aimé serait le modèle du disciple ayant accueilli dans sa plénitude l’amour trinitaire, en demeurant en Dieu (« Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » Jn 14, 21). Pour dire autrement, ce disciple bien aimé est la figure de celui qui demeure uni au Cœur de Jésus, témoin du mystère pascal (« C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut » Jn 20, 8) et attestant la vérité de la Parole (« C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que son témoignage est vrai », Jn 21, 24).

Selon l’exégète André Feuillet, Jean n’a compris que plus tard la portée de la parole testamentaire  de Jésus sur la Croix. «  Sur le moment Jean n’a compris qu’une chose, il lui fallait recueillir dans sa maison la mère de Jésus. Mais plus tard, dans la lumière pascale (Jn 2, 22), il se rendit compte que Jésus avait fait là quelque chose de beaucoup plus grand »6. A la suite de st Jean, nous avons besoin, nous aussi, de temps, avec un rythme différent selon les uns et les autres, pour découvrir à quel point l’accueil de la maternité spirituelle de Marie transforme notre chemin de foi. C’est pourquoi recevoir Marie est un des grands dons spirituels que Dieu offre aux disciples bien-aimés7.

Accueillir  l’Heure de Dieu avec Marie

Fatima : le récit

Dans la biographie officielle posthume de sœur Lucie rédigée par le Carmel de Coimbra, il est écrit : « Tandis que les enfants contemplaient ces dernières visions, se produisit le miracle du soleil, le signe promis pour confirmer la vérité des apparitions. Les pastoureaux ne virent pas le prodige du soleil, le miracle promis n’était pas nécessaire pour eux, mais bien pour cette multitude, afin que tous croient. Soudainement, la pluie cessa, les nuages s’ouvrirent comme un rideau qui s’écarte et laissèrent passer les rayons du soleil qui sécha toute la boue et les vêtements de cette foule trempée. Cela suffirait déjà pour montrer une présence très proche de la Très Sainte Vierge, mais le prodige allait être plus grand et inexplicable. A trois reprises, le soleil tourna sur lui-même, envoyant des rayons avec des tonalités de couleurs jaune, bleu, vert, violet, ce prodige ayant été observé depuis très loin. Les personnes prenaient les couleurs du soleil. A un certain moment toute la multitude, saisie de peur, commença à crier et beaucoup confessaient à haute voix leurs péchés, faisant des actes de foi et demandant pardon. Il semblait que le soleil se détachait du firmament et venait en direction de la terre pour réduire en cendre la foule entière. Une fois ce prodige terminé, tous ces gens voulaient voir et parler avec les enfants. Lucie disait qu’elle ne savait pas comment elle avait passé le reste de l’après-midi. De tous côtés pleuvaient des questions et des demandes, et chacun des petits bergers fut soulevé par la multitude comme s’il était porté par les vagues de la mer sans pouvoir se défendre. Lucie fut portée dans ses bras par le docteur Carlos Mendes, qui, étant d’une stature élevée, réussit à la protéger pendant un certain temps, la maintenant au-dessus de la foule »1.  (…) « Le miracle s’était produit. Ceux qui l’avaient vu avec une intention droite avaient cru, mais il y a toujours des gens qui d’avance, a priori, ne veulent pas croire, et alors, même si le monde tombe à leurs pieds, même si à l’intérieur d’eux-mêmes ils se rendent à l’évidence, jamais ils ne se donneront pour vaincus. Comme disait sœur Lucie : « on n’y fait pas attention » ». (…) Et la Vierge Marie « demanda : « qu’on n’offense plus Dieu Notre-Seigneur, qui est déjà trop offensé ». Voilà le motif de la visite de la Mère et de toutes ses demandes. Mère soucieuse du bien de tous, elle vient alerter du danger que court celui qui se laisse assujettir par le péché, et elle indique la solution pour ce mal suprême, puisque quel avantage y a-t-il pour un homme de gagner le monde entier, s’il vient à perdre son âme ? » (Mc 8, 36)2

Fatima : l’interprétation

Le fr. Jean-François de Louvencourt établit quelques hypothèses courantes, pour comprendre cet événement. « Comment expliquer cette danse du soleil ? Si prodigieuse qu’elle est sans équivalent dans le passé. Si bien attestée par le nombre, la diversité et la qualité des témoignages qu’elle est irréfutable, au point qu’il est rare  de voir un fait historique aussi solidement établi. A l’évidence, il ne s’agit pas d’un phénomène qui se serait déroulé au sein de notre galaxie. Non seulement aucun astronome ni astrophysicien n’a rien observé de particulier ce jour-là, mais ce prodige, s’il avait bouleversé les lois du cosmos, aurait aussitôt anéanti toutes les planètes de notre système solaire, y compris la nôtre. Faut-il alors y déceler un phénomène subjectif, fruit de l’imagination des gens ? Par exemple, une vaste autosuggestion ou une hallucination collective. Mais ces hypothèses, à première vue séduisantes n’expliquent pas comment soixante-dix mille personnes, dont un certain nombre étaient venues en sceptiques, en incrédules ou en adversaires irréductibles, ont pu être captivées –ou illusionnées- en même temps, de la même façon et par le même événement comportant les mêmes phases. Elles n’expliquent pas non plus pourquoi quelques-unes de ces personnes, en étant sur place, n’ont rien vu, ni pourquoi d’autres, se trouvant à plusieurs kilomètres de distances et ignorant ce qui se passait à la Cova da Iria, ont tout vu »3.

Après ces interrogations, l’auteur cistercien expose une possible argumentation -cohérente autant du point de vue de la raison que de la foi-. « Ni cosmique ni subjectif, ce phénomène solaire semble plutôt résulter d’une suite exceptionnelle d’événements d’ordre météorologique. Lorsque deux vents de direction opposée se rencontrent sous un certain angle, il peut arriver qu’une masse d’air se forme, adopte un mouvement rotatif et prenne l’aspect d’une « lentille d’air ». Qu’une inversion de température  survienne à ce moment-là, et cette masse d’air non seulement tournera sur elle-même, mais sera poussée vers le haut et vers le bas, en suivant fort probablement une orbite elliptique pouvant atteindre, voire dépasser les trente mètres de hauteur. Si, en plus, cette masse d’air lentiforme se charge de particules de glace, elle pourra réfracter la lumière du soleil et prendre plus ou moins les couleurs de l’arc-en-ciel (…).

« Il importe de noter que cette explication de type météorologique, la plus satisfaisante jamais proposée, n’enlève rien au caractère miraculeux de la danse du soleil. Et cela pour plusieurs raisons. Pareil phénomène ne peut se produire que si se trouvent réunies les nombreuses, fragiles et incertaines circonstances nécessaires à sa manifestation. Il est totalement imprévisible à court terme, a fortiori trois mois à l’avance, qui plus est en un lien défini avec autant de précision. Il a duré longtemps, de dix à douze minutes, ce qui est considérable pour un phénomène aussi précaire et aléatoire. Il s’est déroulé sans contretemps, comme parfaitement programmé, jusque dans les pauses intermédiaires, jusque dans l’intensité progressive des différentes phases et dans l’étonnante succession des couleurs. Sans oublier, enfin, l’évaporation subite de plusieurs milliers de tonnes d’eau –puisqu’il n’avait pas cessé de pleuvoir pendant toute la nuit et la matinée- et les vêtements soudainement secs, choses inexplicables par les seules lois de la météorologie ou de la physique. La convergence au même moment et au même endroit de tous ces facteurs est tellement prodigieuse qu’on a pu dire avec raison : « le miracle du soleil n’est pas un miracle unique, mais bien la combinaison d’une multitude de petits miracles, lesquels  sont autonomes, mais qui ont été, le 13 octobre, soigneusement agencés entre eux » (Fatima para o século XXI, p.439) »4

L’Ile Bouchard : le récit

Selon l’abbé Henri Souillet , « notons tout d’abord que le temps fut couvert et sombre en ce dimanche 14 décembre 1947. Mais qu’une courte éclaircie se soit produite vers 13H30 et ait laissé le soleil apparaître quelques instants, cela semble absolument hors de doute. Un rayon de soleil pénétra donc dans l’église Saint-Gilles ce jour-là par le vitrail qui se trouve près du presbytère [2ème vitrail, côté droit, près de la sacristie) et se déploya en éventail, englobant une partie du grand-autel, l’autel de la Vierge [aujourd’hui disparu pour pouvoir ériger la grotte et les statues] et la nef jusqu’au pilier 15 [à proximité de l’ambon actuel]. De nombreux témoins affirment que ce rayon donna une lumière blanchâtre mais en même temps éclatante et chaude. Les quatre enfants qui se trouvaient à genoux près de l’autel de la Sainte Vierge furent inondés de ses feux ainsi que ceux qui se trouvaient sur son parcours. Le phénomène dura environ quatre minutes et en tout cas pas moins de trois minutes. Le rayon était si chaud et si éblouissant qu’un certain nombre de témoins se protégèrent la tête de leurs mains comme on se protège du soleil pendant les fortes chaleurs de l’été. Ce qui est étrange c’est que, après maintes mensurations et expériences faites après le 14 décembre 1947, il apparaît impossible que le soleil puisse atteindre, à cette époque de l’année, la place où se trouvaient les enfants. A la mi-décembre, le soleil à 13H30 éclaire face au vitrail à plusieurs mètres en deçà de cet endroit. D’autre part, un pilier s’interpose entre le vitrail et le lieu où se trouvaient les enfants près de l’autel de la Sainte Vierge. Comme on peut difficilement taxer d’erreur (les témoins ignoraient absolument l’imminence de ce rayon que la Dame venait d’annoncer aux enfants. Il ne peut donc s’agir ici d’auto-suggestion collective) la constatation faite ce dimanche 14 décembre par des centaines et peut-être par les deux milliers de témoins présents dans l’église, le phénomène, compte tenu de notre documentation actuelle, demeure incompréhensible. Comment le rayon de soleil a-t-il pu s’étendre ainsi en éventail –contrairement à son habitude- et malgré le pilier qui aurait dû l’intercepter en partie, atteindre l’endroit où se trouvaient les fillettes ? L’auteur s’avoue incapable de l’expliquer »5.

Par ailleurs, ce prêtre d’Anjou souligne que ce rayon a été vu à l’extérieur de l’église par un certain nombre de témoins –dont certains sont encore vivants-. « Il est indispensable de noter en outre que ce phénomène étrange d’un rayon de soleil anormal fut constaté le 14 décembre 1947 non seulement dans l’église Saint-Gilles mais encore dans les environs jusqu’à 10 kilomètres de l’Ile Bouchard. (…) Ainsi dans les landes de Panzoult, à 7 km, des chasseurs s’arrêtèrent surpris par la chaleur anormale du soleil qui brilla là-bas à 13H30 aussi. Ils se proposaient de quitter leur veste de velours lorsque des nuages recouvrirent le soleil. Ils ont déclaré aussi qu’ils avaient vu distinctement un rayon du soleil descendre spécialement au-dessus de l’île Bouchard… A l’Ile Bouchard même, un artisan ne s’était pas rendu à l’église Saint-Gilles à 13H. Il était resté chez lui pour faire quelques écritures. Or vers 13h30 le soleil vint éclairer la pièce dans laquelle il se trouvait. Surpris il sortit et regarda l’astre car le rayon était d’une chaleur anormale et « jamais » a-t-il déclaré, le soleil ne vient dans cette chambre ». Encore une fois, tout cela est à examiner et à vérifier mais l’auteur croit que dans l’état actuel de nos connaissances du fait il y a lieu de considérer le phénomène comme tout à fait digne d’attention »6.

L’Ile Bouchard : l’interprétation

Il est vrai que cette danse du soleil ou ce rayon défient les lois de la nature. Toutefois, ce signe cosmique s’enracine dans les saintes Ecritures. C’est ainsi que dans l’AT, lors de son combat, Josué demande à Dieu d’arrêter le soleil, permettant ainsi d’aider Israël à remporter la victoire (Jos. 10, 12-13)7. A la demande d’un signe de la part d’Ezéchias, dans son combat face aux Assyriens,  Isaïe lui répond que le Seigneur va « faire reculer de dix degrés l’ombre qui est déjà descendue sur le cadran solaire d’Acaz. » Et le soleil remonta sur le cadran les dix degrés qu’il avait déjà descendus. » (Is. 38, 8).

Dans le NT, les synoptiques annoncent que la fin des temps se manifestera, entre autres, à travers des signes dans le ciel (Mt 24, 29) : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots (Lc 21, 25). Quant aux actes des apôtres, ils rapportent que la prédication des premiers disciples s’accompagne de miracles ou d’autres signes ou prodiges : « Hommes d’Israël, écoutez les paroles que voici. Il s’agit de Jésus le Nazaréen, homme que Dieu a accrédité auprès de vous en accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes ». (Ac 2, 22). Quant aux apparitions de Fatima ou de l’ile Bouchard, on peut dire que le miracle du soleil vient de la prière des enfants, demandant à la Vierge Marie des signes visibles pour la foule, aidant à authentifier la réalité des apparitions. Sœur Lucie rapporte que dès le 13 juillet, les enfants avaient demandé à ND de Fatima « de faire un miracle afin que tous croient que vous nous apparaissez » (4ème Mémoire, p.184). De même, Jacqueline Aubry demande à la Vierge de l’ile Bouchard, à plusieurs reprises, des demandes de guérisons, ou un signe de confirmation. C’est ainsi que le dernier jour, dimanche 14 décembre, Jacqueline supplie : « Madame, je vous en prie, faites une preuve de votre présence ». À cette demande, La Vierge Marie répond : « avant de partir, j’enverrai un vif rayon de soleil ». Autrement dit, ce miracle du soleil, aussi bien à Fatima qu’à l’ile Bouchard, non seulement accrédite le témoignage des enfants, mais il accorde aussi aux messages de ces lieux d’apparitions, selon le fr. Jean-François de Louvencourt,  « une ampleur universelle,  à l’instar du soleil dont le rayonnement est cosmique »8.

Notes

  1. Carmel de Coimbra, un chemin sous le regard de Marie, biographie de sœur Lucie de Fatima, Hauteville, 2013, 2016, p. 107
  2. Ibid, P.108-109
  3. J.-F. de Louvencourt, François et Jacinthe de Fatima, Paris, 2010, p.91-92
  4. J.-F. de Louvencourt, ibid., p. 92-93
  5. H. Souillet, les apparitions de Notre-Dame à l’ile Bouchard, rapport et lettres de M. l’abbé Henri Souillet, Paris, 1948, 2002, p.97-98
  6. H. Souillet, ibid., p.98-99
  7. 12 Alors, Josué parla au Seigneur, en ce jour où le Seigneur livra les Amorites aux fils d’Israël et, sous les yeux d’Israël, il déclara : « Soleil, arrête-toi sur Gabaon, lune, sur la vallée d’Ayyalone ! » 13 Et le soleil s’arrêta, et la lune resta immobile, jusqu’à ce que le peuple fût vengé de ses ennemis. Ceci n’est-il pas écrit dans le livre du Juste ? Le soleil s’arrêta au milieu du ciel, il ne se hâta pas de se coucher pendant un jour entier. (Jos. 10, 12-13)
  8. J.-F. de Louvencourt, ibid., p. 93

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