L’Annonciation et L’Ile-Bouchard #3

L’événement de l’Annonciation (Lc 1, 34-38)

La mission de la maternité virginale de Marie

2 étapes du mariage juif

Comment comprendre le fait que Joseph et Marie étaient à la fois mariés, tout en ne vivant pas ensemble ? Pour cela, il convient d’exposer le mariage juif qui s’étalait dans le temps : dans le judaïsme antique, le délai était d’une année, voire « quelques semaines ou quelques mois » (selon Ignace de la Potterie)[1], qui « séparait le mariage juridique de la cohabitation définitive des mariés »[2]. Et il se trouve que les annonciations auprès de Marie, puis auprès de Joseph, se sont passées lors de ce moment intermédiaire, avant la conclusion du mariage juif.

« Lors des fiançailles juives, un an avant le mariage, les jeunes gens s’engageaient l’un envers l’autre exactement au même titre que dans le mariage : seule manquait la vie commune »[3]. Cela permet de mieux comprendre l’évangile de st Mathieu : « voici comment Jésus-Christ fut engendré. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; or, avant qu’ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint » (Mt 1, 18). Autrement dit, le mariage juif comprend deux étapes : les fiançailles qui « confirment la décision prise » et le mariage, en tant qu’ « acte public »[4]. D’abord, il s’agit des « Eroussine (« union ») ou Qiddouchine » (consécration), qui « consistent en la remise, devant deux témoins reconnus valables selon la loi religieuse, du fiancé à la fiancée, d’une « Peruta (petite monnaie de cuivre) au moins ou d’un objet de même valeur –aujourd’hui l’anneau nuptial. Le fiancé accompagne ce geste d’une formule hébraïque, déclarant : « voici, tu m’es consacrée par cet anneau selon la Loi de Moïse et d’Israël ». C’est par cette première étape que le mariage est réalisé, au point que l’union ainsi créée ne saurait être dissoute que par un divorce et l’infidélité à ce lien constitue un véritable adultère »[5].). Chacun vit donc dans sa famille. Puis, « c’est dans les Nissouïne » (noces) que le mariage trouvera son achèvement définitif, lorsque l’époux, (…) « emmènera » l’épouse, (..) dans leur demeure commune (…), puis le repas pris en tête à tête par les nouveaux mariés à l’issue de la cérémonie ». C’est donc, à partir de cette 2ème démarche, que commence la vie commune des deux époux[6][7].

La conception virginale de Jésus

« Comment cela va–t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » (Lc 1, 34) demande la Vierge. Et cette parole ne porte pas sur Joseph, qu’elle connaît, puisqu’il est son fiancé. Mais sa question porte en fait sur la conception de cet enfant. Effectivement, cette conception est unique dans l’histoire : il s’agit de la conception virginale, qu’Ignace de la Potterie définit ainsi : « l’Esprit Saint viendra sur toi (…) [Lc 1, 35] ». Marie concevra un fils par la puissance de l’Esprit Saint, et non par l’intervention d’un homme ». [8]

Et la virginité de Marie est un signe, non pas mineur, mais très important, puisqu’il révèle que l’enfant qu’elle portera, en son sein, est le Fils du Très Haut, qu’il est bien d’origine divine et qu’il n’est pas conçu de la semence humaine de Joseph. Quelle est la signification de cette conception virginale de Jésus ? Il s’agit, non pas de mépriser la  conception humaine d’un enfantement, mais il s’agit de manifester le primat de l’initiative de Dieu dans l’œuvre du salut. La Tradition et le Magistère[9] ont d’ailleurs continué à affirmer la virginité de Marie, suivis aussi, en cela, par les protestants du 16ème siècle.[10]  Autrement dit, la conception virginale de Jésus est bien l’œuvre de l’Esprit Saint (et non d’un père humain) dans l’enfantement de Marie de Nazareth. Cela signifie, par conséquent, que cet enfant Jésus est vraiment Dieu par nature, tout en naissant, dans son humanité, d’une femme, en tant que Nouvel Adam, à l’origine d’une Nouvelle Création, qui a commencé dans le secret. Il est vrai que cette conception virginale est une œuvre de la puissance divine, qui se situe au-delà de la raison, mais non pas contre la raison (car la création du monde et de chaque créature est aussi une œuvre de la puissance divine). Cette œuvre de la puissance divine se situe au-delà de la raison, en tant qu’acte surnaturel, c’est-à-dire un au-delà de la raison, qui requiert un acte de foi.

La naissance virginale de Jésus

L’Esprit Saint est à l’œuvre dans la conception virginale et la naissance virginale, qui sont des signes attestant la filiation divine de Jésus. Et plus précisément, comment traduire le verset « celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils du Très Haut » ? Plusieurs hypothèses sont possibles[11]. Nous retiendrons la traduction du P. Ignace de la Potterie, considérant le mot « saint » en tant qu’attribut : « c’est pourquoi ce qui naîtra saint, sera appelé Fils de Dieu »[12]. Autrement dit, celui qui est engendré, naîtra d’une manière sainte ». Et le sens du mot « saint » est à comprendre selon la tradition juive du Lévitique : « c’est la naissance de Jésus qui sera « sainte », sans tache, intacte, c’est-à-dire « pure » dans le sens rituel du mot ». Ignace de la Potterie voit y ici un « argument biblique en faveur de ce que les théologiens appellent « virginitas in partu », la virginité de Marie dans son enfantement. Le message de l’ange à Marie contient alors non seulement l’annonce de la conception virginale, mais encore de la naissance virginale de Jésus ». [13] L’exégète se fonde aussi sur le commentaire patristique de st Cyrille de Jérusalem, enseignant que la naissance de Jésus « fut pure, non souillée ; car là où souffle l’Esprit Saint, est supprimée toute souillure. La naissance charnelle du Fils unique de la Vierge, a donc été non souillée »[14]

Autrement dit, la naissance virginale est définie par ce spécialiste jésuite, de façon condensée : « c’est pourquoi ce qui naîtra sera saint… » [Lc 1, 15]. Neuf mois après la conception virginale aura lieu une naissance sainte (c’est-à-dire rituellement pure) »[15]. A ce sujet, Ignace de la Potterie, interprétant l’évangile st Jean, énonce que les circonstances de cette naissance sont, « sans lésion corporelle pour la mère, et donc sans perte de sang : « non ex sanguinibus » dira Jean plus tard »[16]. En fait, la conception virginale et la naissance virginale « seront considérés plus tard comme un « signe » de la filiation divine de Jésus. (…) Même dans des ouvrages scientifiques [en exégèse ou en théologie], on ne parle que trop à la légère de ces données fondamentales, parfois même jusqu’à les écarter. Sur la base d’une exégèse précise de Lc 1, 35 ; nous pouvons dire que la naissance virginale est un « signe » extérieur nécessaire pour que les hommes acceptent la filiation divine de Jésus. Il est le Fils de Dieu parce que ce n’est pas Joseph, mais Dieu lui-même, qui est son unique Père : la naissance virginale en est le signe ». [17]

La guérison de la stérilité d’Élisabeth et la conception virginale de Jésus : « rien n’est impossible à Dieu »

À l’Annonciation, quel rapport entre Élisabeth réputée « stérile » et la conception virginale de Marie ? Au fond, ce sont deux manifestations différentes mais illustrant la même bénédiction de Dieu à travers le don de la maternité. Dès lors, on peut relire la succession des femmes « stériles » dans l’AT[18], en tant que « préparation » au don de Dieu à l’égard de Marie, « qui fut bénie par Dieu pour devenir, dans sa virginité, la mère du Sauveur ». Le jésuite en conclut : « la maternité virginale de Marie est le terme d’une longue préparation au long de toute l’histoire du salut »[19]. Autrement dit, le parallèle entre Élisabeth et Marie doit être compris ainsi : « pour les stériles comme pour la vierge, la maternité est un don spécial de Dieu ».[20] En effet, « Dieu seul peut produire qu’une femme reste vierge et devienne quand même mère. De la sorte, ce dernier mot de l’ange [« rien n’est impossible à Dieu »] renvoie à sa salutation du début de l’annonce : « le Seigneur est avec toi ». Une assistance très particulière de Dieu était en effet nécessaire pour unir ainsi la virginité et la maternité en Marie, la femme qui deviendrait la mère du Messie »[21].

Le fiat joyeux de Marie à la mission que Dieu lui confie.

Dans l’évangile, nous retrouvons différentes expressions du consentement humain à la volonté de Dieu : à travers celui de Jésus à Gethsémani (Mt 26, 42), mais aussi dans la prière du Notre Père (Mt 6, 10). Quant à la particularité du consentement de Marie, à travers son fiat, à l’Annonciation, est qu’il « exprime « un joyeux désir de… », jamais une résignation, une soumission par contrainte devant quelque chose de grave et de pénible. La résonnance du « fiat » de Marie à l’Annonciation n’est pas celle de la formule du « fiat voluntas tua » de Jésus à Gethsémani, ni celle de la formule correspondante du Notre Père (…). Le « fiat » de Marie n’est pas une simple acceptation, encore moins une résignation. C’est au contraire un joyeux désir de collaborer à ce que Dieu prévoit pour elle. C’est la joie de l’abandon total au bon vouloir de Dieu. La joie de cette finale répond d’ailleurs à l’invitation à la joie du début »[22] L’exégète jésuite ainsi que la joie de Marie s’enracine dans le fait qu’elle est « comblée de grâce ». « Si nous replaçons tout cela dans la lumière de la situation initiale de l’ange : « réjouis-toi, Comblée de grâce, le Seigneur est avec toi », tout devient beaucoup plus clair et lumineux. (…) C’est donc la « grâce » qui nous livre la clé de tout ; elle nous permet d’expliquer tout le contenu de l’annonce angélique à Marie : son désir de virginité, sa préservation du péché et de la concupiscence, mais aussi la grâce de sa maternité divine, enfin celle de son consentement plein d’allégresse au dessein de Dieu ». [23]

Les événements de décembre 1947 à l’Ile Bouchard

La mission de la maternité virginale de Marie

La chevelure de la Vierge Marie : découverte le lundi, puis voilée à partir du mardi.

L’originalité des apparitions de la Vierge Marie à l’Ile Bouchard –comme le révèle la statuaire dans l’église st Gilles- est que la journée du lundi, Marie se montre avec une longue chevelure blonde, avant de voiler cette chevelure du mardi jusqu’à la fin de la semaine. Quelle en est la signification ?

Dans l’iconographie médiévale, « les cheveux libres sur les épaules désignent l’enfant et la jeune fille », selon l’universitaire Annie Cazenave. En commentant une représentation de Marie, les cheveux découverts, l’historienne écrit : « elle a, comme la jeune fille, les cheveux dénoués: les siens tombent jusqu’au creux des genoux. Sa chevelure symbolise donc sa virginité. »[24] Dans Ézéchiel 24, 17, « saint Jérôme traduit » par le terme de « couronnes » (…). Les cheveux étaient divisés en nattes ou en tresses (…). Une seule tresse de l’épouse suffit à séduire le cœur de l’époux, d’après la Vulgate, Cant. 4, 9. » [25]

Ensuite, dans les apparitions suivantes du lendemain jusqu’à la fin des apparitions, Marie sera et restera voilée, conformément à la tradition juive antique, selon laquelle la femme mariée –et qui a donc enfanté- se couvre les cheveux.

La prière de l’Ave Maria

Tout au long de cette semaine de décembre 1947, la Vierge demande souvent aux enfants de prier le « je vous salue, Marie », une prière qu’elle récitait elle-même dans sa 1ère partie, pour ensuite écouter la prière des enfants s’adresser à elle, dans les paroles suivantes. Arrêtons-nous sur une phrase de l’Ave Maria « sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous pauvre pécheurs », à travers le commentaire du frère dominicain Marie-Réginald Vernet : « « sainte Marie, mère de Dieu »… voilà les deux grands motifs –sa sainteté unie à sa maternité divine –sur lesquels, avec l’Eglise, nous nous appuyons pour demander à la Vierge : « priez pour nous pécheurs »… Nous demandons à « Sainte Marie », comme nous l’enseigne l’Église, c’est-à-dire à cette créature toute sainte qui est la « Mère de Dieu », de prier pour nous qui sommes pécheurs ; que la Mère de Dieu, dans sa sainteté exceptionnelle et parfaite, vienne à notre secours pour nous purifier du péché ; et cela, essentiellement par le bon office de sa propre prière, en notre faveur : « Priez, pour nous, pécheurs ! ». [26] Effectivement, à l’Ile Bouchard, comme en tant d’autres lieux d’apparitions, la Vierge insiste sur l’importance de la prier et de faire des sacrifices pour les pécheurs.

La guérison des yeux de Jacqueline : « rien n’est impossible à Dieu »

Les événements

Le mercredi 10 décembre 1947, Jacqueline raconte sa rencontre avec le curé:

« Monsieur le Curé : « Alors, que t’a dit cette belle Dame, aujourd’hui ? ». Alors, je lui raconte l’apparition, et la phrase quand je lui demandais un miracle : vous y verrez clair. –Non, mais t’as vu tes yeux ?- Eh bien, je dis, oui, monsieur le Curé. – et tu crois, comme ça, qu’en une nuit, tout va disparaître ? » Je dis : « Oui, Monsieur le Curé ! » Il me dit : « Non, ce n’est pas toi qui verras clair, c’est nous qui verrons clair dans votre histoire ». Alors je lui dis : « Non, Monsieur le Curé, la Sainte Vierge a ajouté : vous ne porterez plus de lunettes. –Oh là, là, il me dit, cette belle dame te vouvoie ! » Tout le monde me tutoyait sur terre, ce qui était normal. « Eh bien, je dis, oui, monsieur le Curé ». Alors là, monsieur le Curé se met en colère, il ouvre la porte, et il me met à la porte.

Moi, le pleurais. J’arrive à la pâtisserie, Papa et Maman pleuraient : « Mais comment peux-tu être guérie ? ». Alors je vais vous dire ce dont je souffrais. J’avais une forte myopie. Mais là, ce n’était pas grave, j’avais des lunettes avec des verres épais. Mais ce que j’avais, qui était un handicap en 47, (…), c’est que depuis ma naissance, j’avais une conjonctivite purulente. Et mes yeux pleuraient, jour et nuit, de l’humeur (…). La nuit, ça formait des croûtes, et tous les matins depuis que j’étais bébé, Maman faisait bouillir de l’eau (…) et elle m’enlevait toutes les croûtes (…). C’était répugnant et dégoûtant à voir, quand ils n’étaient pas nettoyés. (…) Mais pour les gens du village, mes yeux faisaient pitié (…)

« Nous voilà le jeudi matin [11 décembre]. (…) J’ouvrais grand les yeux, je voyais au loin !  Mais surtout ce n’est pas ça : je sentais que j’avais les yeux légers, la tête légère. Je crie : « Papa, Maman, je vois, je vois ! ». (..) [Mes parents] ont vu, et ils ont cru. Je n’avais plus rien du tout (..). Eh bien, vous savez, ils ont pleuré. Papa, vite, est allé chercher monsieur le curé- (…). Dès qu’il a vu mes yeux, ce brave monsieur le Curé, il a levé les bras vers le ciel, il a dit : « Mais c’est donc vrai qu’elle descend parmi nous ! »[27]

Vivre dans la foi, en tant que chemin de confiance, de docilité et d’abandon à Dieu

En effet, en de nombreux épisodes, Jésus établit un lien entre la foi et des miracles : « Et Jésus dit au centurion : « Rentre chez toi, que tout se passe pour toi selon ta foi. » Et, à l’heure même, le serviteur fut guéri » (Mt 8, 13) ; « Alors il leur toucha les yeux, en disant : « Que tout se passe pour vous selon votre foi ! » » Mt 9, 29 ; « Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie. » (Mt 15, 28) . À l’inverse, les habitants de Nazareth, il est dit que : « Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonna de leur manque de foi ».  (Mc 6, 5-6). Selon l’exégète catholique Mary Healy, présidente de la commission doctrinale du Renouveau charismatique (ICCRS) et membre de la commission biblique pontificale, « la guérison  est une rencontre entre la puissance de Dieu et la réceptivité humaine. La foi nous ouvre à la puissance de Dieu, tandis que l’incrédulité nous en ferme les portes. (….). La foi est la porte qu’emprunte le Seigneur pour pénétrer dans les cœurs, et elle ne s’ouvre que de l’intérieur ».[28]

Et que faire quand une guérison demandée ne s’accomplit pas ? Ou pour dire autrement, comment prier avec grande foi ? L’exégète américaine ajoute qu’« une erreur courante est d’essayer de travailler sa foi, d’effectuer toute une gymnastique mentale pour nous forcer nous-mêmes à croire que la guérison va se produire. Mais cela revient à faire de la foi une œuvre humaine. Ceux qui pensent ainsi sont parfois déçus et désorientés quand les guérisons pour lesquelles ils ont prié ne s’accomplissent pas. Mais en réalité, la foi est un don de Dieu auquel nous cédons. C’est une relation de confiance et d’abandon au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Une situation que nous ne pouvons pas fabriquer de toutes pièces. Notre foi grandit à mesure que nous commençons à comprendre qui est Dieu et qui nous sommes en lui ».[29]

Consentir à la mission que Dieu nous confie, à la suite des 4 enfants

Tout au long des apparitions, les fillettes ont veillé à consentir, autant et dès que possible, aux demandes de la Vierge. C’est ainsi que, lors de la 2ème rencontre à 14h, lundi 8 décembre, la Vierge fixe des rendez-vous précis, aux enfants : « revenez ce soir à 5h et demain à 1h ». Et les fillettes furent ponctuelles à 17h –l’apparition fut silencieuse-, puis le lendemain à 13h. Il en fut ainsi, tous les jours. En tout cas, globalement, les quatre enfants ont essayé de répondre aux différentes démarches demandées par la Vierge, comme celles du mardi 9 décembre : « priez pour la France qui, en ces jours-ci, est en grand danger » ; « dites à monsieur le curé de venir à 2h avec la foule et les enfants pour prier » ; « dites à monsieur le curé de construire une grotte là où je suis, d’y placer ma statue ainsi que celle de l’ange » ; etc. Les fillettes ne comprenaient pas forcément le sens des requêtes de la Vierge, mais elles y consentaient avec sérieux. Certes, certaines demandes ont mis du temps aussi avant de se concrétiser pleinement, comme les différentes étapes avant d’aboutir à la grotte actuelle avec les deux statues de la Vierge et de Gabriel.

Vivre dans l’amitié avec l’Esprit Saint, à l’image de l’accueil du rayon de soleil du 14 décembre

Le miracle du rayon de soleil dans l’église st Gilles, le dimanche 14 décembre

Pour terminer, nous nous arrêterons sur la lumière qui jaillit de la Vierge Marie et qui apparaîtra ensuite à tous, au dernier jour des apparitions.  « Depuis quelques instants, un rayon de soleil éclaire l’église sombre, le chœur surtout. Il part de la deuxième fenêtre au mur méridional. (…). Plusieurs qui pouvaient voir de face ou de biais les enfants, affirmeront que les visages, celui de Jacqueline surtout, plus pâle, s’éclairaient de curieux reflets. (…). D’après les fillettes, le rayon projeté sur la Dame, l’Ange et la grotte leur donnait une nouvelle splendeur. (…). Tandis qu’il dardait encore dans l’église –il brillera quatre minutes environ (…). Jacqueline glissa [au père Soulard] : « Elle a dit qu’elle enverrait un rayon de soleil avant de partir ».[30]

La puissance illuminatrice de l’Esprit Saint

Dans le 1er traité théologique consacré à l’Esprit Saint, st Basile le Grand (330-379) emploie l’image d’un rayon solaire pour parler de l’action de l’Esprit Saint. « Source de sanctification, lumière intelligible, à toute puissance rationnelle, pour la découverte de la vérité, il fournit par lui-même comme une sorte de clarté (…). A l’image d’un rayon solaire dont la grâce, présente à celui qui en jouit comme s’il était seul à en jouir, brille sur terre et sur mer et s’est mêlé à l’air. Ainsi l’Esprit présent à chacun des sujets capables de le recevoir, comme s’il était seul, émet suffisamment, pour tous, les grâces en plénitude (…). Brillant en ceux qui se sont purifiés de toute souillure, il les rend spirituels par communion avec lui ». [31] C’est pourquoi, il ajoute, un peu plus loin : « si, la nuit, tu enlevais de chez toi, la lumière, tes yeux resteraient aveugles »[32]. Dans les même années, st Cyrille de Jérusalem (315-387), dans ses catéchèses, nous enseigne aussi sur la puissance illuminatrice de l’Esprit Saint : « un homme qui se trouvait d’abord dans l’obscurité, en voyant soudain le soleil, a le regard éclairé et voir clairement ce qu’il ne voyait pas auparavant : ainsi, celui qui a l’avantage de recevoir le Saint-Esprit a l’âme illuminée, et il voit de façon surhumaine ce qu’il ne connaissait pas »[33]

De quelle lumière s’agit-il ? Il s’agit de la lumière de la grâce, définie ainsi par le P. Cantalamessa, comme « une lumière infuse d’ordre surnaturel, à laquelle l’homme ne peut accéder, sinon par « un secours gratuit de Dieu qui meut l’âme intérieurement » (st Thomas d’Aquin, Somme théologique, I- II ae, Q. 79, a. 3 ; Q. 109, a. 6). L’âme illuminée par la grâce est comme le ciel éclairé par les rayons du soleil ». [34] C’est pourquoi ce rayon de soleil a marqué ceux qui en ont été témoins, en ce dimanche 14 décembre 1947, dans l’église st Gilles.

« heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5, 8)

A différentes reprises, la Vierge Marie a demandé de prier pour les pécheurs, pour que ceux-ci puissent entrer dans cette illumination divine. Mais pour accueillir la lumière de la grâce, il convient d’entrer dans une profonde purification, comme le souligne st Basile le Grand : « se purifier (…) de la laideur pétrie par le vice, revenir à la beauté de la nature et, pour ainsi dire, à l’image royale, par la pureté, restituer sa forme primitive, c’est la seule manière de s’approcher du Paraclet (..). C’est pourquoi le monde, c’est-à-dire la vie esclave de passion charnelles, ne reçoit pas plus la grâce de l’Esprit qu’un œil malade la lumière d’un rayon solaire ».[35] Autrement dit, le rayon solaire du dimanche 14 décembre nous aide à dévoiler notre propre vocation chrétienne. C’est ainsi que Grégoire de Nysse (330-395) nous révèle ainsi : « l’intelligence humaine, après avoir délaissé cette vie trouble et sale, après que, purifiée par la puissance et le souffle de l’Esprit, elle est devenue lumineuse et qu’elle s’est mêlée à la pureté véritable et sublime, l’intelligence humaine elle-même resplendit en celle-ci comme par transparence, se charge de rayons et devient lumière ». [36] Pour dire autrement, ce rayon de lumière illustre la béatitude de la pureté de cœur : « heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8), car c’est la pureté de cœur qui nous permet de mieux connaître et de faire grandir notre amitié avec l’Esprit Saint. [37]

Image : L’Annonciation par Melozzo da Forlì, Pantéon de Rome

Notes

[1] I. de la Potterie, Marie dans le mystère de l’alliance, Paris,  1985, 1988, p. 73

[2] Ibid.

[3] D. de la Maisonneuve, le judaïsme… tout simplement, Paris, 1997, 2007,  p.86

[4] A-M Dreyfus, lexique pour le dialogue, Paris, 2000, p. 94

[5] E. Gugenheim, le judaïsme dans la vie quotidienne, Paris, 1992, p. 194

[6] Ibid.,  p. 195

[7] « Ce n’est qu’à la fin du moyen âge que viendra l’usage d’inviter un rabbin pour conduire la cérémonie du mariage, et cela en partie par désir d’imiter le mariage chrétien, mais sans que cela implique pour autant une signification religieuse » , A. Steinsaltz, introduction au Talmud, Paris, 2002, p. 147.

[8] I. de la Potterie, op. cit., p. 66

[9] « la lettre du pape saint Sirice contre l’évêque Bonose, en 392, témoigne de l’enseignement officiel de l’Eglise en « repoussant vivement l’idée que du même sein virginal dont le Christ était né selon la chair, quelque autre enfant soit venu ». Petit vocabulaire marial, 1979, Paris, p. 238

[10] « tous les grands réformateurs protestants du 16ème siècle – Luther, Zwingli, Calvin…- ont affirmé et prêché la virginité perpétuelle de Marie, comme le montre M. Thurian », ibid.

[11] I. de la Potterie,op. cit., p. 64-65

[12] I. de la Potterie, op. cit., p. 65

[13] Ibid.

[14] Catéchèses 12, 32 citée par I. de la Potterie, ibid.

[15] I. de la Potterie, op. cit., p. 66

[16] En prenant sans doute appui sur le prologue de Jn 1, 12-13 : «  Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu ».

[17] I. de la Potterie, op. cit., p. 66

[18] I. de la Potterie, op. cit.,  p. 67

[19] Ibid.

[20] Ibid.

[21] Ibid. p. 68

[22] Ibid., p. 68. En effet, « Marie avait déjà été invitée à la joie, dès les premières paroles de l’Ange (v. 28). Que cette joie soit un fruit de la grâce apparaît encore davantage, si nous traduisons le v. 28 comme suit : « réjouis-toi, parce que tu es comblée de grâce ». note 43, ibid.,  p. 63

[23] Ibid.

[24] A. Cazenave, « la coiffure comme marque d’identité », dans la chevelure dans la littérature et l’art au Moyen-âge, Aix-en-Provence, éditions Presse universitaires de Provence, 2014 : La chevelure dans la littérature et l’art du Moyen Âge – Presses universitaires de Provence (openedition.org)

[25] « mais le mot hébreu « anaq », qu’elle traduit par « crinis », signifie non pas « un cheveu », mais « un collier » : Vigouroux, dictionnaire de la Bible, 1912, vol. 1.1 , p. 689

[26]  M.-R. Vernet, l’ile Bouchard, la Vierge et ses apparitions, Paris, 1992, 2017, p. 78

[27] Témoignage de Jacqueline Aubry cité dans B. Peyrous, les événements de l’ile Bouchard, Paris, 2004, p. 54-56

[28]  M. Healy, guérir, comment offrir au monde la miséricorde de Dieu, 2015, 2016, P. 95

[29] Ibid., p. 101

[30] Mgr Fiot, l’ile Bouchard (8 au 14 décembre 1947), p. 42-43

[31] Basile le Grand, sur le Saint-Esprit, IX, 22-23, Paris, p. 325-329

[32] Ibid., p. 383

[33] Cyrille de Jérusalem, catéchèses, XVI, 16.

[34] R. Cantalamessa, viens Esprit créateur, Paris, 2008,  p. 203

[35] Basile, op. cit., p. 109 et p. 441-443

[36] Grégoire de Nysse, Traité de la virginité, 1976, p. 390

[37] D’où l’avertissement de Paul : 1 Co 6, 18-19 ; 1 Th 4, 8.

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